Entretien des textiles. Une étude controversée sur la rentabilité des blanchisseries hospitalières
« Explorer les coûts d’exploitation et d’investissement des blanchisseries hospitalières » : tel est l’objectif annoncé d’une étude de novembre 2019, menée par la société Asterès pour le compte du GEIST (Groupement des Entreprises Industrielles de Services Textiles) et actuellement diffusée sur les réseaux sociaux et plusieurs magazines en ligne.
Les chiffres et données indiqués dans l’étude laissent toutefois perplexes, à commencer par les « 1,6€/kg de linge traité en moyenne, soit un coût supérieur d’au moins 25% à celui des blanchisseries privées. » L’étude pointe que « 80% des blanchisseries hospitalières seraient en deçà du seuil de rentabilité (…) et qu’à l’échelle du pays, la dépense annuelle d’exploitation avoisine 600 millions d’euros. » Tout aussi surprenant, les années dont sont issues les informations, pour le moins datées, le flou autour du type de linge traité sur les établissements comparés (linge plat ? vêtements de résidents ? linge hôtelier ?), ou encore le fait qu’ « à capacités journalières équivalentes, la création d’une blanchisserie industrielle revient 40% moins cher dans le secteur privé que dans le public (BIH). Les achats de matériel sont plus de deux fois moins importants dans le privé que dans le public. » De quoi faire bondir les fabricants, qui, sollicités, se disent surpris par cette information, d’autant que force est de constater qu’une blanchisserie du secteur public en 2019 n’a pas d’équivalence en 2003 : en profonde mutation depuis plusieurs années, rationalisation, réglementation et réformes à l’appui, la blanchisserie hospitalière n’a pas à rougir de ses chiffres.
Suite à la diffusion de cette étude, les réactions ne se sont pas fait attendre. Les entreprises et établissements cités dans le document ont regretté de ne pas avoir été contactés pour une confirmation ou une mise à jour des données indiquées, pour certaines datant en effet de plus de quinze ans. Andy Nguyen, président de l’URBH reconnaît avoir été très surpris en découvrant le contenu du rapport : « Cela m’a fait sourire, mais aussi peiné sur le manque de reconnaissance de notre profession avec l’affichage de chiffres obsolètes, datant de 2003 et 2010. Ce rapport est basé sur des données totalement erronées du fait de leur vétusté et un certain manque de pragmatisme de la part du cabinet Asterès : 12 échantillons étalés de 2003 à 2017 soit 14 ans pour résumer une profession en constante innovation. De surcroît, parmi ces chiffres, certaines blanchisseries sont aujourd’hui fermées et/ou réorganisées de manière à avoir pu investir tout en restant rentables. Je n’apporterai pas de chiffres détaillés dans la presse, mais notre coût moyen est beaucoup plus bas que les 1,6 euro annoncés et dépend également de la méthode d’amortissement. A l’URBH, nous avons développé un outil interne permettant à chaque adhérent d’intégrer ses propres données et de se benchmarker avec le reste de la profession pour trouver ainsi les axes d’amélioration de son activité. Le constat est fait sur les retours d’expérience de nos adhérents, que de nombreux utilisateurs reviennent du secteur privé vers les structures publiques, organisées en groupements, pour des raisons de qualité de souplesse et de prix. »
De son côté, Franck Lavigne, président du cabinet de conseil Auditextyl, cité dans le rapport, indique que si, à première vue, le coût au kilo lui semble correct, il aurait souhaité avoir les éléments qui permettent d’affirmer que les blanchisseries privées ont un coût de production 25 % inférieur à celui des blanchisseries hospitalières. « En effet, cette différence doit être mise en lumière au regard des types de linges traités. La plupart des blanchisseries privées ont des tunnels et traitent essentiellement du grand plat (draps), et peu de linge de résidents.La plupart des établissements publics ou assimilés (EHPAD, FAM, MAS, EPS) qui ont sous-traité le linge de résidents sont revenus en arrière du fait de la non-qualité. En revanche, ils conservent la sous-traitance pour le grand plat. »
Sollicitée, Nathalie Matignon, déléguée générale du GEIST a précisé : « En commanditant cette étude, nous souhaitions que le cabinet Asterès mesure les performances des blanchisseries hospitalières publiques et les compare à nos propres résultats. Asterès, dont la notoriété est exemplaire, a mené un important travail bibliographique pour ce faire. Si certaines données peuvent paraître anciennes aux lecteurs de l’étude, beaucoup proviennent de la base d’Angers, bien plus récentes (2016). Cette base de données, entretenue par le CHU d’Angers, suit les coûts par activité de 133 établissements représentatifs du secteur hospitalier public. Elle est peu contestable et apporte une base de comparaison fiable. L’étude peut prêter à précision sur quelques points, mais elle présente une précieuse vue d’ensemble sur un le traitement du linge hospitalier public, considérablement plus internalisé en France que dans les autres pays européens. Ces éléments devraient constituer un outil d’analyse efficace pour nos adhérents afin de répondre de façon plus adéquate aux requêtes du secteur public. »
Cette étude controversée (téléchargeable ici) a suscité de nombreuses réactions qu’Entretien Textile détaillera dans son numéro de janvier.